L’INTÉRIEUR

L’aménagement intérieur et la mise à disposition plus en détails.

Cet article a pour objet de compléter et d’apporter des détails sur la mise à disposition du matériel ludique, sujet évoqué dans la rubrique « La slow pédagogie, comment l’adopter ? ».

Dans une démarche de slow pédagogie, la façon d’aménager les espaces intérieurs à destination des tout-petits peut être guidée par cinq axes :

1. Quantité

2. Lisibilité

3. Vacance

4. Multi-fonctionnalité

5. soutien à l'autonomie

1. Quantité

Nous l’avons déjà évoqué sur ce site, ce n’est pas la quantité qui fait la richesse de l’univers ludique de l’enfant. Au contraire celle-ci peut déborder l’enfant et constituer un réel frein dans la construction de son activité. La concentration de l’enfant et sa capacité à « jouer » seul ne sont pas favorisés par les monticules de jouets.

Plusieurs possibilités permettent de proposer une quantité ajustée :

- La rotation du matériel

Selon les intérêts du moment de l’enfant, l’adulte met à disposition de celui-ci une partie du matériel en sa possession. Le reste est rangé dans des placards et sera proposé quelques temps après en remplacement du matériel en place dans l’environnement de l’enfant. Non envahi par un trop d’objets, l’enfant explore pleinement ce dont il dispose.

Dans ce système de rotation l’adulte peut facilement observer la pertinence de chaque matériel. Si l’enfant n’entreprend pas d’expérimentation constructive avec un matériel donné, l’adulte peut être sûr que cela ne provient pas du fait que l’enfant est perdu dans une exploration rapide, éphémère et décousue d’une multitude d’éléments. C’est la nature même de l’objet qui est alors plutôt en question.

Notons que la rotation doit avoir un rythme suffisamment long (4 jours minimum) pour laisser le temps à l’enfant de s’intéresser à un matériel. Un désintérêt de prime abord ne doit pas inciter l’adulte à précipiter le roulement (au risque de l’habituer à un mode « zapping »).

Le degré d’investissement de l’enfant pour un matériel est globalement un bon indicateur pour savoir quand faire varier son univers ludique. L’enfant peut parfois investir 4-6 semaines durant un même matériel. L’adulte doit avoir en tête que tant que l’enfant ne délaisse pas un objet c’est qu’il a encore des choses à expérimenter avec lui.

Enfin, il est intéressant d’organiser la rotation par « petites touches ». C’est à dire que l’adulte va échanger seulement quelques éléments de l’univers ludique de l’enfant mais pas la totalité. Cela offre la possibilité à l’enfant de construire de nouvelles activités ludiques en mariant les « anciens » et les « nouveaux » objets qu’il a à sa disposition. Ainsi un matériel peu investi jusqu’alors peut, par la présence de nouveaux éléments, devenir plus intéressant qu’avant.

- L’utilisation des structures de prêt

La ludothèque et la bibliothèque sont des lieux ressources intéressants pour faire varier l’univers ludique de l’enfant sans le surcharger de façon pérenne. Par ailleurs, cela permet de tester différents jouets et de se rendre compte de leur jouabilité* avant d’éventuellement investir.

Dans la démarche de Slow Pédagogie, il ne s’agit pas de s’interdire d’acheter du matériel pour l’enfant, il s’agit juste de faire précéder à l’acte d’achat une réflexion sur la pertinence de ce matériel et sur la raison de cet achat. Acquérir de nouveaux éléments ludiques doit être motivé par une volonté d’enrichir l’environnement de l’enfant dans l’objectif de lui donner accès à de nouvelles découvertes et expérimentations. L’expression passagère d’ennui chez l’enfant ou la recherche de tranquillité chez l’adulte incitent parfois à l’acte d’achat… Notons que le résultat attendu est rarement atteint. Soit parce que le matériel offre des intérêts limités (ou redondant avec des éléments déjà possédés) soit parce qu’au-delà d’avoir du matériel, ce dont l’enfant s’enrichit le plus ce sont des moments de partage.

Répondre au besoin de découverte et d’épanouissement de l’enfant en lui offrant des moments à vivre et à partager est une façon très intéressante d’investir dans la petite enfance.

Il est très fréquent d’observer un enfant jouer en toute autonomie (avec du matériel qu’il connait pourtant déjà et dont on le croyait lassé) après avoir partagé avec lui un temps histoire ou une balade riche de commentaires ou encore la préparation du repas du soir. Face à l’ennui, le partage répond généralement plus justement au besoin de l’enfant qu’un nouvel objet. Tout comme l’enfant peut avoir l’habitude de réclamer de nouveaux jouets parce qu’on a eu le réflexe de lui en acheter souvent, l’enfant peut prendre l’habitude de réclamer du partage parce qu’on l’a familiarisé avec la richesse de ces instants – qui, précisons-le, n’ont pas besoin d’être très longs-.

La maîtrise de la quantité s’accentue d’autant plus si l’on parvient à distiller cette prise de recul et cette prise de conscience auprès de l’entourage de l’enfant ; ceux-ci pourraient réduire leurs avalanches de cadeaux matériels pour Noël et les anniversaires au profit d’attentions plus mesurées et plus riche en temps.

Pour terminer sur la notion de quantité, pensons tout de même que si elle ne doit pas rimer avec « trop » elle doit toutefois être suffisante. En effet, l’enfant sera limité dans son expérimentation de construction s’il n’a en sa possession que 10 Légos ou 10 Kapla. Selon la nature du matériel, il est donc important de mettre à sa disposition une quantité suffisante, adaptée aux objectifs possibles offerts par le matériel en question.

Un espace lisible est un espace où l’enfant peut voir le matériel dont il dispose et “déchiffrer” sa jouabilité. Comment procéder ?

En travaillant la quantité on sert déjà, de manière très efficace, la lisibilité puisque l’environnement n’est pas surchargé.

Ensuite une réflexion se porte sur le choix des meubles. Les étagères sont préférées aux coffres à jouets.

Sur une étagère les objets sont posés les uns à côté des autres (et non les uns sur les autres comme dans un coffre) l’enfant a donc une bonne vision de ce dont il peut se saisir. Disposés ainsi, les objets reposent sur leur base avec tous leurs éléments en ordre et au complet ce qui permet d’afficher leur jouabilité (dans un coffre, le matériel peut être renversé et récupéré par l’enfant avec des éléments manquants).

2. Lisibilité

séparateur-de-tiroirs

Source : famille-epanouie.fr

Il est aussi possible d’utiliser des meubles à tiroirs ; des petits modules de dressing appelés séparateurs sont alors pertinents pour que chaque famille d’objets puissent avoir sa place.

Beaucoup de meubles pour enfants sont composés de bacs. Ceux-ci peuvent très bien servir au rangement de matériel comme les Légos, les blocs en bois, les balles, etc. Au moment de l’achat, s’il est possible de moduler soi même la composition de ce meuble alors il est préférable d’opter pour les bacs les moins profonds. En effet il est plus lisible pour l’enfant d’avoir des Légos dans plusieurs petits bacs plutôt que ces derniers soient tous placés dans un seul grand bac (obligeant l’enfant à plonger sa main dans une grande quantité d’objets (voire même à tout renverser) pour trouver celui qu’il cherche).

Enfin la lisibilité de l’espace peut être travaillée par la décoration. L’univers de la petite enfance rime très souvent avec couleurs vives et figurines. Les meubles, les jouets et les textiles que l’on trouve à acheter sont la plupart du temps très colorés et largement fournis en motifs (représentant animaux, personnages ou héros).

S’il est tout à fait légitime de vouloir créer un environnement joyeux pour l’enfant qu’on accueille, il est pertinent de ne pas multiplier les éléments de décoration afin que celui-ci puisse s’y retrouver. N’oublions pas que l’environnement de l’enfant est déjà bien occupé par tout son matériel et que celui-ci apporte déjà sa dose de couleurs, de formes et de motifs. Un espace trop décoré peut compliquer l’activité en ce sens que le matériel devient moins repérable et que l’enfant peut fatiguer d’un trop plein de sollicitations visuelles – En tant qu’adultes il est fréquent que les espaces que nous qualifions d’agréables et d’apaisants soient des environnements sobres et harmonieux-.

Miser sur une harmonie de couleurs ou opter pour un thème est donc une manière de créer un espace lisible et agréable pour l’enfant. Utiliser des matériaux bruts (comme le bois naturel) est aussi très intéressant.

3. Vacance

Les notions de quantité et de lisibilité se couplent avec la notion de vacance. Il s’agit là de prévoir dans l’environnement de l’enfant des espaces vacants. Les parties vides (contenants, étagères…) laissent place à la création en ce sens que c’est l’enfant qui leur donne vie en les remplissant d’objets ou y aménageant une petite tanière pour un doudou par exemple.

4. Multi-fonctionnalité :

Voir dans les éléments meublant un potentiel de multi-fonctionnalité permet de ne pas sur-investir. Il est donc très intéressant que ce critère guide les achats d’aménagement. Un banc assez large et stable peut servir de poutre, un meuble fait de cases peut offrir à l’enfant l’expérience du tunnel, un tapis rigide peut se transformer en cabane, etc.

Source : lesribambelles.canalblog.com

Sur 3 des 4 cases du matériel peut être disposé. La 4ème case (une du bas) peut être laissée vacante pour permettre à l’enfant de faire l’expérience du tunnel.

Un même tapis devient cabane, tapis de gym, canapé

5. Soutien à l'autonomie

Un intérieur aménagé dans l’esprit Slow pédagogie cherche à soutenir le développement de l’autonomie de l’enfant.

Les meubles doivent permettre à l’enfant de se saisir seul de son matériel et d’effectuer de manière autonome des gestes de la vie quotidienne. Les marchepieds peuvent donc largement envahir l’espace. Ces derniers facilite également la coopération et les temps de partage puisqu’ils placent l’enfant plus proche de l’adulte dans son quotidien.

Ces 5 axes offrent l’opportunité à l’enfant de bénéficier d’un environnement adapté et pertinent d’où se dégagera découverte, plaisir, autonomie et épanouissement.